Son retour était plus qu’attendu. Après la magnifique porte et ses paliers métaphores de la vie réalisée en 2020, Gonzalo Borondo a cette fois posé ses rouleaux rue Laennec. Pour une nouvelle œuvre profonde autour de l’histoire, l’importance du lien qui unit chacun à son territoire mais aussi la question de l’exil.
Le concept. Voilà la recherche qui anime cet artiste inclassable dont les œuvres présentent toujours plusieurs niveaux de lecture. Trois ans après le trompe l’œil rue Jules Baudelocque, élu plus belle fresque de France en 2020, l’artiste espagnol s’est lancé dans une nouvelle réflexion. Toujours profonde et en lien avec l’histoire et l’humanité : « Le premier mur est composé de deux mains qui tiennent un visage qui apparaît comme celui d’une sculpture » explique l’artiste. « De l’autre côté se dévoile un corps sans tête. Le fait que le corps et le visage soient séparés signifie quelque chose dès le premier regard. »
Une séparation que l’on sent brutale, forcée. « Quand tu vois ce visage de statue et ce corps séparés, tu peux réfléchir à la question de l’héritage, symbole d’une histoire que nous conservons et présentons dans les musées. Souvent ces œuvres proviennent d’autres villes ou pays et sont sorties de leur contexte. Ce n’est pas une critique, c’est juste une réflexion. »
Une réflexion qui va bien plus loin que les objets traditionnellement exposés. Ce qui intéresse Borondo, c’est l’humain qui se cache derrière le symbole. « Quand tu vas plus loin dans cette réflexion, tu constates que depuis le début de l’humanité, les êtres humains ont été contraints de se déplacer, de quitter leur territoire à cause de la guerre, du froid ou par envie de découvrir. Pour moi, ces migrations sont difficiles. Le plus souvent, les gens quittent leur territoire car ils y sont contraints. J’ai pensé à ça en voyant les images des migrants quittant les plages sur des bateaux. Mais ce fait d’actualité n’est pas propre à aujourd’hui. Cela a toujours existé dans l’histoire. » Un message qui raisonne avec les mots « origine » mais aussi « terroir » qui peut devenir « territoire » ou « terreur » inscrits symboliquement au sommet de chaque mur.
Mais si ces hommes quittent leur communauté, ils n’abandonnent pas pour autant leur histoire. « Ils quittent leurs racines mais ces racines sont toujours là » reprend l’artiste. « Les pierres qui apparaissent sur le corps peuvent être les morceaux de la tête cassée que tu retrouves sur le premier mur. Ces pierres sont comme l’âme du visage, l’origine de la sculpture. »
Une nouvelle œuvre très profonde donc qui touchent au cœur et invite à la réflexion. « L’art dans l’espace public est intéressant car il offre la possibilité de raconter des histoires, de parler directement aux habitants ou spectateurs et de faire passer des messages. Mon crédo est « ne cache pas la réalité mais montre là au plus grand nombre ». Mon but n’est pas de proposer un concept fermé. Il y a toujours plusieurs concepts dans mon travail même si ceux-ci peuvent paraître cachés. J’aime que les gens s’intéressent à l’œuvre et trouvent leur signification à chaque mur. Si tout est dit de façon directe, une œuvre perd sa poésie. Comme dans un poème, tu suggères les choses, évoquent plusieurs éléments, tu les mets ensemble et tu crées une image. Et la personne qui lit ce poème développe sa propre interprétation. »
Comme toutes les autres créations de Borondo, cette œuvre est née d’une inspiration en constante évolution. « Mes idées et mon concept changent tous les jours quand je réfléchis, quand je discute avec les gens, qu’ils me racontent des histoires ou que je lis les journaux. Tout ceci, je le mets dans mes créations pour concevoir une plus grande histoire. Je ne suis pas le genre d’artiste qui vient avec une photo et la reproduit sur un mur. Je prends mon temps et je change des choses tous les jours en fonction de mon processus artistique. Je n’aime pas tout contrôler. Les choses suivent leur cours. »
Entièrement réalisés au rouleau, ces deux murs signés Borondo ont quelque chose d’unique pour l’artiste qui lie ainsi son art à la ville de Boulogne-sur-Mer. « C’est la première fois que je réalise deux œuvres dans la même ville. J’avais vécu une belle expérience avec de belles relations humaines quand j’ai travaillé pour la première fois ici en 2020. En ce moment de ma vie, je ne peins pas beaucoup de murs. Mais j’ai commencé par la peinture et j’aime toujours me prouver à moi-même que je peux le faire. Boulogne-sur-Mer est une belle ville, calme. C’était le bon moment et le bon endroit pour faire un nouveau mur. »
D’autant plus dans un festival qui a pris de l’ampleur et expose la peinture et l’art aux quatre coins de la ville. « Je suis heureux de voir beaucoup de mes amis participer à ce festival » continue Borondo. « L’organisation est parfaite. Et surtout, ce qui est pour moi la chose la plus importante : chacun met beaucoup d’énergie pour aider les artistes et trouver tout ce dont tu as besoin. Le public suit également. C’est génial de voir des gens s’intéresser à la peinture et à l’art en général. Cela donne envie aux jeunes de peindre, d’apprendre. C’est toujours quelque chose de bon pour l’esprit. Cela t’aide dans la vie. C’est comme une cure. »
Un plaisir pour l’esprit des visiteurs, Boulonnais et touristes, toujours plus nombreux à découvrir le musée en plein air chaque jour. Avec une nouvelle œuvre d’art pour réfléchir et développer sa pensée rue Laennec.